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Préservons nos forêts... sans oublier les arbres de nos villes

Depuis début juillet, les médias consacrent une large place aux feux de végétations qui ont dévasté plusieurs dizaines de milliers d'hectares en France et ailleurs en Europe. Si on a longtemps hésité à employer le terme de mégafeu pour qualifier les incendies les plus importants qui ont affecté les forêts de l'Hexagone, il semble désormais indéniable que leur étendue - plus de vingt mille hectares en Gironde et dans les Landes - nous oblige à considérer que nous avons désormais franchi un nouveau cap en termes d'impacts économiques, sociaux et environnementaux. Par ailleurs, au-delà des arbres calcinés, les sécheresses et canicules qui sévissent en Europe (et ailleurs dans le monde) génèrent un affaiblissement important et inédit de nombreux peuplements forestiers qui dépérissent de déshydratation ou sont exposés, plus que jamais, aux parasites qui profitent de leur état de faiblesse physiologique. Mais qui évoquent le sort des arbres des villes ? Ceux, qui ont été plantés dans quelques mètres cubes de terre souvent ingrate et doivent résister à des climats urbains encore plus chauds en période d'intense canicule. Si leur effectif reste bien plus modeste qu'en forêt (quelques millions tout au plus alors qu'ils sont plus de douze milliards dans les forêts françaises), leur rôle est devenu essentiel alors même que plus des deux tiers des Français habitent désormais dans des espaces urbains. Pour se convaincre de leur utilité, au-delà même de l'indispensable respect que nous leur devons en tant qu'être vivant, est-il notamment nécessaire de rappeler que leur ombrage peut contribuer à réduire les températures caniculaires de cinq voire de dix degrés ? Ou encore, de préserver et de reconquérir la biodiversité la plus ordinaire qui fuit parfois les espaces agricoles périphériques soumis à des pratiques d'exploitation très intensives ?

Dans mon dernier livre, j'estime que l'espérance de vie moyenne d'un arbre urbain est actuellement de soixante ans. Cela est bien moins qu'un humain habitant la France ou l'Europe, alors même qu'à l'état naturel, la plupart des feuillus et conifères sont généralement destinés à vivre au moins un siècle, souvent beaucoup plus, pour peu que la sylviculture industrielle n'ait pas eu leur peau prématurément. Or, si ces végétaux sont déjà malmenés par les nuisances urbaines (pollution de l'air et du sol, actes de vandalismes, entretiens défaillants ou inadaptés...), leur vulnérabilité s'accroit de manière très préoccupante depuis quelques années, du fait de la récurrence des épisodes de sécheresse. Un arbre exposé à un tel évènement climatique est durablement - parfois pendant dix ans - affaibli. On peut dès lors imaginer que pour celui qui aura été fortement mutilé par des tailles excessives et dont la croissance aura été pénalisée par un environnement urbain hostile, les conséquences sur le long terme seront d'autant plus notables. Pour finir de s'en convaincre, il suffit de constater l'accroissement des dépérissements qui affectent non seulement les conifères les plus majestueux des parcs (Séquoia géant et Cèdre de l'Atlas par exemple) mais également les essences plus « ordinaires » qui ont été communément plantées en ville (Erables par exemple). 

Face à ce constat, il est urgent d'agir pour accroitre la résilience des plantations urbaines d'aujourd'hui et préparer celles de demain. Pour y parvenir, il faut agir sur plusieurs fronts. En premier lieu, il convient de réviser profondément et urgemment la réglementation - diluée dans de nombreux codes - vis-à-vis des arbres que l'on dit « hors forêt » (arbres urbains et champêtres). Certaines dispositions - comme celles du code civil qui imposent une réduction drastique de la hauteur des végétaux trop proches d'une limite de propriété - doivent être supprimées. Comment, en effet, pouvons nous encore tolérer que des articles de loi puissent nuire à l'égard de ceux que nous devrions considérer comme nos meilleurs alliés pour limiter le changement climatique ? D'autres réglementations doivent être par ailleurs confortées afin, non seulement, de mieux protéger les arbres de nos espaces du quotidien (arbres de bord de route par exemple) mais également ceux qui, par leur histoire, leur rareté et/ou leur prestance, sont à considérer comme de véritables et précieux monuments végétaux. Par ailleurs, tout doit être mis en œuvre pour accroitre la résistance des arbres d'aujourd'hui et préparer la résilience de ceux que nous planterons demain. S'agissant des arbres déjà plantés, pour y parvenir, des mesure techniques assez simples peuvent être développées. En premier lieu, il faut agir - quand cela est possible - sur leur environnement proche en améliorant la qualité du sol exploité par l'arbre (par exemple : par l'enlèvement du bitume pour favoriser l'infiltration de l'eau ou par l'apport raisonné de matière organique végétale - mulch - pour améliorer la qualité du sol...). Lors de travaux d'aménagements urbains ou d'infrastructures, il convient également de veiller à préserver davantage les racines dont on sous-estime encore trop souvent l'étendue. Il importe enfin de limiter au strict minimum les tailles drastiques qui affaiblissent durablement les arbres. Si leurs impacts ont été notables par le passé, ils risquent de devenir plus que dramatiques dans les années à venir... Enfin, il convient de reconcevoir la ville végétale de demain. S'il faut accroitre autant que possible l'espérance de vie des arbres en place, le renouvellement de ceux-ci devra se poser tôt ou tard. En privilégiant des espèces, exotiques ou locales, à même de pouvoir résister aux conditions microclimatiques plus extrêmes des villes et en faisant évoluer les formes arborées pour « reconnecter » les végétaux entre eux, les décideurs et les professionnels doivent être en mesure de rendre à l'arbre la place qu'il se doit d'occuper plus dignement dans la cité.


                                                                                                                                                                                                                     David HAPPE




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